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« Pourquoi l’animal n’est pas le modèle biologique de l’homme » a été publié dans La Notice d’Antidote de novembre 2004.
Et d’abord, pourquoi le serait-il?
Les expérimentateurs de tout temps ont étudié les animaux à défaut de pouvoir faire certaines expériences sur les humains et, en raison de grossières similitudes anatomiques et physiologiques, ils ont considéré – de façon tout à fait empirique! – que certaines observations faites sur une espèce pouvaient s’appliquer à d’autres.
D’une hypothèse, ils ont fait une loi.
Or, de nombreuses observations montrent, et les récentes découvertes en génétique démontrent, que cette hypothèse est fausse.
Qu’est-ce qu’un modèle ?
Pour qu’un dispositif expérimental soit considéré comme le modèle du phénomène que l’on désire étudier, les réactions observées en laboratoire doivent en tous points être identiques à celles du phénomène naturel.
Par exemple, un modèle réduit de sous-marin à échelle de celui que l’on veut construire, avec les mêmes matériaux, pourra être utilisé pour étudier les propriétés hydrodynamiques ou autres et, éventuellement, améliorer la forme ou la résistance des matériaux avant de lancer la construction du sous-marin en taille réelle.
En ce qui concerne les êtres vivants, il semble évident, déjà de façon intuitive, qu’aucune espèce animale ne ressemble suffisamment aux autres pour servir de modèle. Chacune occupe une niche écologique particulière, ce qui veut dire que chacune a des habitudes uniques en ce qui concerne son alimentation, son rythme d’activité et de repos, sa période de rut, son temps de gestation, etc.
Toutes ces différences sont déterminées physiologiquement par la capacité digestive, par les hormones qui régulent les rythmes biologiques, etc. Placés dans la même situation, que ce soit une épreuve stressante ou l’absorption d’une substance chimique, rien ne permet donc d’affirmer que deux espèces animales différentes auront la même réaction. De vagues notions anatomiques et physiologiques ont pu être étudiées sur certains animaux et généralisées à tous, du temps où l’on ignorait encore jusqu’à la fonction des organes mais, de nos jours, les connaissances que nous recherchons sont trop précises et ne concernent que l’espèce étudiée.
En fait, dès les débuts de l’expérimentation animale, dans l’Antiquité, les physiologistes en herbe se sont vite aperçus des limites de leurs prétendus modèles et ils ont tenté d’expérimenter sur les humains. A Alexandrie, sous le règne des Ptolémées et grâce à l’appui de ceux-ci, Hérophile et Erasistrate, deux des pères de la physiologie, expérimentaient sur des humains condamnés à mort. Au XIXe siècle, Claude Bernard, le physiologiste qui a généralisé la pratique de la vivisection, affirmait que les expériences sur les humains sont les plus concluantes et n’étudiait les animaux que parce que la loi et la morale défendaient d’expérimenter sur les humains, ainsi qu’il l’explique dans son Introduction à l’étude de la médecine expérimentale.
Par obligation légale, tous les médicaments sont testés sur les animaux avant d’être autorisés à la vente. Or, les effets secondaires de médicaments sont parmi les principales causes de mortalité dans les pays développés. Alors qu’il était secrétaire d’Etat à la Santé, Bernard Kouchner révélait le nombre de victimes en France : près de vingt mille morts et 1,3 millions d’hospitalisés par an (Le Monde, 13 novembre 1997).
Si l’animal était réellement le modèle de l’homme, les effets mortels des médicaments n’auraient-ils pas été décelés ? Si l’animal était le modèle de l’homme, n’aurait-on pas déjà trouvé le moyen de guérir le cancer, depuis les décennies que l’on finance généreusement la recherche sur les animaux dans ce domaine ?
Antidote Europe démontre, par un raisonnement simple, qu’aucune espèce animale n’est le modèle biologique d’une autre.
Le premier point de ce raisonnement est qu’une espèce se définit par son isolement reproductif. C’est-à-dire que les individus ne peuvent pas se reproduire avec des individus d’une autre espèce, sauf exception généralement stérile. Ceci est dû au fait que pour former l’oeuf duquel sera issu le nouvel individu, le matériel génétique de l’ovule et celui du spermatozoïde doivent s’apparier, ce qui n’est possible que quand les deux cellules parentales proviennent de la même espèce. Les gènes de deux espèces différentes peuvent ne pas être disposés aux mêmes endroits, ne pas avoir la même composition, de sorte que l’appariement ne se fera pas. Deux espèces animales différentes ont un patrimoine génétique différent.
Le deuxième point du raisonnement est que les fonctions biologiques sont déterminées par les gènes. Cette notion est très populaire de nos jours où l’on cherche une prédisposition génétique à de nombreuses maladies et même à des traits de caractère ! Les fonctions biologiques, en effet, sont assurées, pour la plupart, par des protéines : les enzymes, qui sont des protéines, digèrent les aliments ou transforment les substances chimiques; le muscle se contracte grâce à des protéines qui glissent les unes par rapport aux autres ; le sang transporte l’oxygène grâce à une protéine, l’hémoglobine ; etc. Toutes ces protéines diffèrent les unes des autres et, pour être efficace, chacune d’elles a une composition et une conformation qui lui est propre. Or, cette composition dépend du gène qui contient les instructions pour sa synthèse. Deux gènes qui contiendraient des variations minimes peuvent générer des protéines radicalement différentes.
Résumons-nous. Premier point, chaque espèce animale a un patrimoine génétique unique. Deuxième point, le patrimoine génétique détermine la structure des protéines qui assurent les fonctions biologiques. Troisième point et conclusion: deux espèces différentes auront des protéines différentes, donc, des fonctions biologiques assurées par des mécanismes qui pourront être différents.
Conséquences
La réaction face à un produit chimique constitue un bon exemple de ces différences. Toute substance de synthèse, dès qu’elle pénètre dans le sang, est amenée dans le foie où elle peut subir des modifications. Or, ces modifications dépendent du type d’enzymes que l’individu possède. Ainsi, une même substance sera toxique pour un individu et ne le sera pas pour un autre, selon le type d’enzymes que l’individu possède, dans son foie, pour modifier cette substance. De grandes différences sont constatées parmi les individus d’une même espèce. A plus forte raison d’une espèce à l’autre !
Nous savons, par exemple, que l’arsenic est beaucoup plus toxique pour les humains que pour les moutons, que le formaldéhyde est plus cancérigène pour les rats que pour les souris, etc. Mais comme toute cette connaissance est empirique, même si nous savons quel est l’effet d’une substance donnée sur un animal, rien ne nous permet de prédire quel en sera l’effet sur un animal d’une espèce différente.
Les animaux ne sont pas de meilleurs modèles pour l’étude des maladies humaines et la recherche de thérapies. Dans le domaine du cancer, par exemple, il y a peu de choses en commun entre la tumeur et les métastases qui se développent chez l’homme et les processus de cancérisation que l’on inflige aux animaux.
L’origine et le développement de la maladie étant très différents, il y a peu de chances pour que de réelles avancées viennent des études faites sur les animaux. Quand on sait que le cancer débute par un dérèglement cellulaire, il y aurait tout intérêt à reporter les crédits sur la recherche en biologie cellulaire et moléculaire humaines.
Enfin, dernier exemple dans le domaine des maladies infectieuses. On sait que, après inoculation du virus du sida à un chimpanzé, ce dernier ne développe pas la maladie ; après inoculation du virus de l’hépatite B, le chimpanzé aura une maladie bénigne tandis que ce même virus peut entraîner, chez un humain, une cirrhose et un cancer du foie ; après infection par le virus Ebola, chimpanzés et humains meurent de fièvre hémorragique. Encore une fois, les résultats ne sont connus qu’après observation chez l’une et l’autre espèce. L’organisme du chimpanzé, l’animal le plus semblable à nous, a des réactions différentes des nôtres. Un traitement mis au point sur le chimpanzé et qui serait efficace pour lui, ne le serait pas nécessairement pour nous.
Toutes ces observations confirment ce que l’on peut déduire par le raisonnement : aucune espèce animale n’est le modèle biologique d’une autre. De nombreux chercheurs et médecins partagent ce point de vue et s’expriment au sein d’associations telles que AFMA / EFMA (Americans / Europeans For Medical Advancement), DLRM (Doctors and Lawyers for Responsible Medicine), Equivita, PCRM (Physicians Committee for Responsible Medicine), etc.
L’expérimentation animale est le moyen le plus simple et le plus rapide pour qui veut faire carrière et pour les industriels qui voudraient faire croire à l’innocuité de leurs produits. Mais son intérêt scientifique a, de tout temps, été limité. Ces méthodes sont tout à fait obsolètes aujourd’hui et les moyens financiers qui leur sont encore consacrés font défaut à la recherche biomédicale moderne, centrée sur la physiologie humaine et d’où pourraient venir les réelles avancées thérapeutiques.
Dans l’Union européenne, environ 12 millions d’animaux sont sacrifiés chaque année pour des expérimentations «scientifiques».
Le Royaume Uni, la France et l’Allemagne sont les principaux utilisateurs.
Près de 60% des animaux utilisés sont des souris, près de 18% sont des rats. Sont également utilisés plus de 9500 singes, plus de 21 000 chiens, plus de 4000 chats…
Source : Rapport de la Commission européenne disponible sur http://ec.europa.eu/environment/ chemicals/lab_animals/pdf/sec_2010_1107.pdf