un article de « la salamandre »
https://www.salamandre.net/article/la-grive-survivante/
Qu’elle semble stressée cette grive musicienne réfugiée au jardin ! Et pour cause, des coups de feu claquent de toute part. On en veut à sa vie.
salamandre.net
Le passage des grives et des merles est spectaculaire cette année. Depuis septembre, les vignes, les aubépines et les prairies sont assaillies par les hordes de migrateurs. Peut-être est-ce la conséquence d’une bonne nidification dans les pays du Nord ? Ou alors est-ce la fructification des arbustes à fruits qui est médiocre cet automne dans ces mêmes régions ? Je parie sur une combinaison des deux explications.
Malheureusement, je ne suis pas le seul à avoir remarqué cette migration extraordinaire et je ne compte plus les coups de fusil qui résonnent depuis des semaines, de l’aube au crépuscule. C’est la guerre ! Par petits groupes, les chasseurs encerclent la moindre haie et abattent les turdidés qui fuient : merle noir, grive draine, grive litorne, grive mauvis et surtout grive musicienne. La virtuose du printemps paye un lourd tribut à cette tradition mortifère.
Que l’on soit pour ou contre, ce n’est pas la question. En toute objectivité, le spectacle qui se joue dans la campagne ces temps-ci a tout d’un massacre organisé. Les chiffres parlent d’eux mêmes : 4,5 millions de grives seraient tuées chaque année en France. Ce tableau de chasse équivaut à 1500 km de grives posées côte à côte, ailes écartées. Soit une fois et demi la largeur de la France et plus de quatre fois celle de la Suisse !
Heureusement, ce passereau chanteur est protégé en Angleterre et en Suisse par exemple. Comment s’insurger contre les exactions commises contre les oiseaux à Malte, au Liban, en Egypte et aux quatre coins de la Méditerranée alors qu’il suffit ici de décréter une espèce chassable pour pouvoir la tuer par millions légalement ?
C’est la question que je me pose devant cette grive musicienne terrorisée dans mon jardin. Une survivante en sursis dans sa longue traversée de la France.
Publié le 7 novembre 2017 par Jean-Philippe Paul