Un scientifique azuréen dénonce la pêche d’une raie en danger d’extinction
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CANNES ENVIRONNEMENT
PAR LOUIS GOHIN Mis à jour le 01/09/2016 à 05:06 Publié le 01/09/2016 à 14:17
Plusieurs internautes ont réagi avec virulence à la publication de cette image. Photo DR
Les scientifiques insistent sur le rôle écologique et le «potentiel économique» des prédateurs marins, après la capture ce dimanche aux îles de Lérins d’une raie géante menacée.
Nos lecteurs ne sont pas restés indifférents à la publication lundi d’une image où l’on voit le pêcheur Cyril avec sa prise de dimanche matin, une raie papillon de 72 kg. Ce prédateur marin, Gymnura altavela selon sa dénomination savante, est classé par les scientifiques parmi les espèces en danger critique d’extinction en Méditerranée (listes rouges établies par le MNHN et l’UICN).
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«Si j’avais su que cette raie était en voie d’extinction», réagit le chasseur sous-marin, «je n’aurais pas tiré. Les espèces protégées, normalement, on les connaît. Il y en a très peu: le mérou, le thon, le corb… Je connaissais la raie noire, qui ne se mange pas. Et pour moi, les autres n’étaient pas protégées, sauf des espèces lointaines comme la raie manta.»
Le problème, c’est qu’en effet, la loi ne protège pas la raie papillon malgré les avertissements des scientifiques. «Cette raie n’est pas réellement protégée par la loi», déplore Patrice Francour, directeur adjoint d’un laboratoire de recherche à l’Université de Nice. «La réglementation est minime en milieu marin comparée à la pêche en eau douce ou à la chasse. L’absence totale de permis en mer est une aberration. Très peu d’agents sont capables de surveiller et dresser des infractions.»
PROTÉGER L’ÉCOSYSTÈME… ET AIDER LE TOURISME
En plus du problème légal, encore faut-il que le pêcheur sache identifier les espèces menacées. Bernard Seret est, lui, consultant et ancien chercheur détaché au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. «Les chasseurs sous-marins sont souvent des autodidactes mal informés», explique-t-il. Patrice Francour est, lui, moins indulgent. «Quand on voit une espèce comme ça, le premier réflexe, c’est de ne pas tirer», juge-t-il. «Les pêcheurs amateurs méconnaissent, pour la plupart, la gestion des ressources marines. À la différence des professionnels, qui mesurent l’importance écologique des prédateurs.»
L’intérêt est aussi économique pour la Côte d’Azur: «Imaginez les retombées pour le tourisme sous-marin si une population de raies papillon venait s’installer au large des îles de Lérins », poursuit-il. « Le potentiel économique est extrêmement intéressant. Le tourisme s’est déjà développé à Port-Cros, grâce à la protection du mérou. » Avis donc aux chasseurs du dimanche : mieux vaut connaître « les espèces côtières particulièrement sensibles» sur notre littoral, comme le détaille Bernard Seret: «Les raies-guitares, les mantes de Méditerranée et les requins anges de mer. Ce sont eux qui, autrefois en abondance, ont donné son nom à la Baie des Anges de Nice!»
Et d’ajouter, «on n’avait pas signalé cette raie depuis des décennies sur nos côtes. C’est le premier signalement de ce type que l’on ait jamais eu en France pour cette espèce.»