Ces animaux qui meurent pour nous dans les laboratoires

Faut-il encore faire des tests sur les animaux?
Faut-il encore faire des tests sur les animaux? 36.9° / 27 min. / Hier à 20:15
Souris, singes, oiseaux: plus de 600’000 animaux de laboratoire ont été utilisés en 2014 en Suisse. Une chute drastique par rapport à 1980. Mais pourquoi a-t-on encore besoin d’eux pour la recherche? 36.9 a enquêté.

Même si on ne peut plus parler de vivisection (un terme apparu alors qu’on disséquait encore les animaux en croyant qu’ils ne ressentaient pas la douleur), l’expérimentation animale reste essentielle aujourd’hui pour la recherche scientifique et médicale.

Mucoviscidose, obésité, diabète, parkinson: l’expérimentation animale permet de tester des produits avant leur utilisation sur l’homme et d’éviter tout risque d’effets secondaires délétères. Ces 40 dernières années, l’espérance de vie humaine dans le monde occidental a augmenté de 8 ans, rappelle le magazine santé de la RTS. Mais l’utilisation de ces bêtes pose des questions éthiques aux chercheurs et interroge le rapport paradoxal de la société à l’animal, tantôt de compagnie, tantôt de boucherie.

De 2 millions à 600’000 bêtes

Selon les chiffres de l’Office fédéral vétérinaire, en 2014, 606’505 animaux ont été utilisés dans le domaine de l’expérimentation animale, soit une augmentation de 2,8% par rapport à 2013. Des chiffres qui paraissent toutefois faibles comparé aux deux millions de bêtes détenues dans les années 1980.

Sur ces chiffres totaux, plus de 80% des animaux utilisés sont des rongeurs (souris et rats en premier lieu), utilisés principalement pour de la recherche fondamentale.

Imaginaire négatif persistant

La réglementation en ce qui concerne la détention d’animaux de laboratoire est extrêmement stricte. Et les coûts de maintien d’une animalerie sont élevés. Les expériences sur les animaux ne sont admises que si l’on ne dispose pas de méthodes alternatives.

Pourtant, l’imaginaire négatif lié aux expériences reste très présent et les défenseurs des droits des animaux se mobilisent régulièrement, comme encore en août dernier à Genève.

C’est pas cette idée que tout le monde se fait d’un animal enfermé dans sa petite cage et qui ne peut pas bouger.

Un étudiant, après la visite de l’animalerie de l’Université de Fribourg

Et le piège à souris dans la cave?

Au fil des siècles, le rapport aux animaux a évolué et, au travers notamment des découvertes génétiques qui nous rendent toujours plus proches des autres mammifères et être vivants, l’humain a voulu protéger de mieux en mieux les animaux. Après plusieurs initiatives populaires, le Conseil fédéral a changé le statut juridique des animaux en 2003, les considérant désormais comme des êtres vivants à part entière, capables de ressentir et de souffrir.

La Suisse a l’une des réglementations les plus strictes au monde en ce qui concerne la protection animale. Au niveau scientifique, chaque expérience est examinée par une commission d’éthique. Les chercheurs doivent prouver que les bénéfices pour la société sont plus importants que les souffrances éventuellement infligées aux animaux.

« Si on compare la recherche médicale – où il y a énormément de surveillance et où la moindre souffrance fait l’objet de vérifications – à ce que vous avez le droit de faire à une souris qui vient grignoter dans votre cave, c’est tout à coup très impressionnant », relève Samia Hurst, professeure de bioéthique à l’Université de Genève.

Et c’est sans parler des traitements infligés aux animaux voués à l’abattage, qui font l’objet de beaucoup moins de surveillance.

Pas de souffrance pour 50% d’entre eux

En 2014, plus de trois quarts des animaux utilisés ont subi une contrainte de degré de gravité 0 ou 1, soit des manipulations qui n’occasionnent aucune douleur ou très faible et de très courte durée. L’échelle, établie par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, est classée enquatre degrés.

Mais il est clair que chaque année des animaux sont encore « sacrifiés », selon le terme consacré que les chercheurs utilisent lorsqu’ils euthanasient un animal.

« Un jour peut-être que nous pourrons tout faire par imagerie et se passer des coupes histologiques et donc du sacrifice de nos animaux », note Eric Roullier, professeur au Département de médecine de l’Université de Fribourg, la seule à utiliser des primates pour des expériences en Suisse.

Les macaques sont choisis pour leur proximité avec l’humain mais c’est justement cette proximité qui pose un problème éthique.

Eric Rouiller, professeur de médecine, UNIFR

Les chercheurs rappellent souvent qu’ils sont des êtres humains sensibles, qui s’attachent à leurs animaux, et nombre d’entre eux parlent de la difficulté de s’en séparer. « ça me touche, ce n’est pas un geste anodin », commente une laborantine de l’EPFL qui doit régulièrement euthanasier des souris.

La bio-impression, alternative du futur?

Le développement technologique et les contraintes de détention des animaux amènent de plus en plus d’alternatives dans les labos.

De plus, le recours aux animaux n’est pas toujours salvateur. On a récemment découvert que les souris auxquelles on modifiait un gène pour le rendre porteur de la mucoviscidose ne développaient pas la maladie.

Dans ce cas-là, la solution pourrait provenir de l’étude de tissus reconstitués et « bio-imprimés », qui permettent une étude des interactions des cellules encore plus précises que si l’on faisait un transfert sur un animal.

>> Ecoutez les explications de la productrice de 36.9, Isabelle Moncada, dans CQFD:

Pourra-t-on un jour se passer complètement de l’expérimentation animale?
CQFD – Publié hier à 15:50

>> Le reportage complet est diffusé dans 36.9 mercredi à 20h15 sur RTS Un.

Sophie Badoux

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