Langage, séduction, ruse ou politique, les animaux ont du génie

Le hors-série 181 de Sciences et Avenir est disponible.

Présentation, en texte et en vidéo, par la rédactrice en chef Aline Kiner.

Le génie des animaux © Damien HypoliteLe génie des animaux © Damien Hypolite

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Cet édito est extrait du hors-série 181 de Sciences et Avenir. Le magazine est disponible à l’achat en numérique via l’encadré en bas de page.

Qu’un chimpanzé façonne un outil à partir d’une branchette pour attraper des termites, passe encore ! Après tout, comme nous, c’est un primate. Mais un poisson ! Un petit labre qui se saisit d’un caillou pour casser un oursin. Ou un moineau ! Qui parvient à ouvrir la porte d’un restaurant en voletant devant la cellule électrique qui la commande, afin de se glisser à l’intérieur et de chiper quelques miettes. La plus grande surprise de ce hors-série est bien là : trouver le génie où on ne l’attend pas. C’est qu’on a souvent tout faux avec les animaux. Ou plutôt, devrait-on dire, avec les autres animaux, puisque nous en sommes – nous avons tendance à l’oublier ! Nous accordons plus d’intelligence à qui nous ressemble : les primates, donc, puis les autres mammifères, et dans les branches basses de l’arbre du vivant, les poissons ou les insectes.

Le problème, remarque le spécialiste de l’évolution Pierre-Henri Gouyon, c’est que nous sommes incapables d’observer une différence sans établir une hiérarchie. Et il aura fallu attendre plus de deux siècles, après des classificateurs comme Linné ou Lamarck, pour qu’éthologues et biologistes commencent à découvrir les incroyables capacités d’espèces jusqu’ici méprisées. L’idée de ce numéro, qui parcourt le règne animal par thématiques, d’Architecture à Survie, n’est évidemment pas de sombrer dans l’anthropomorphisme. Mais bien de rebattre les cartes. De montrer que la complexité biologique et cognitive n’est pas liée à l’espèce, à sa proximité avec l’homme, mais au milieu dans lequel elle évolue, aux problèmes qu’elle y rencontre et aux solutions qu’elle y apporte. Ainsi des termites macrotermes. Ils vivent dans des environnements où le mercure franchit les 35°, mais cultivent pour se nourrir des champignons qui ont précisément besoin d’une température de 27°. Ils ont donc inventé un ingénieux système de ventilation dont s’inspirent aujourd’hui certains architectes. Autre exemple fascinant : les loups gris de Colombie-Britannique, qui se sont mis à pêcher le saumon. Comme ils passent désormais la plus grande partie de leur temps dans l’eau, ils voient leur physiologie changer, au point que certains scientifiques envisageraient de les classer parmi les mammifères marins. L’évolution en marche ! Le vrai génie, nous dit encore Pierre-Henri Gouyon, c’est bien elle. Un mécanisme tout bête de sélection par essai-erreur qui explique aussi bien l’art du camouflage du crocodile que la ruse du méloïdé, un petit coléoptère américain, la mémoire exceptionnelle des seiches que les rituels funéraires des éléphants. Après ce hors-série, il va nous falloir réviser nos classiques. Et pour commencer, regarder d’un autre oeil notre poisson rouge. Dans les tests de mémoire, certaines espèces d’aquarium sont trois fois plus rapides à sortir d’un labyrinthe qu’une souris de laboratoire !

  • Le génie des animaux
  • Intelligence collective, langage, séduction…
  • Rencontre avec Pierre-Henri Gouyon
  • « Ah ! Si nous étions capables des prouesses des fourmis ! »